Cayos Holandes, San Blas

Nous avons gardé le meilleur pour la fin: les Cayos Holandes; quand je dis le meilleur, c'est en faisant référence aux guides nautiques qui sont unanimes pour dire qu'en particulier à l'est il y a une vaste étendue d'eau calme aux eaux turquoises surnommée par la communauté des navigateurs "the pool" ("la piscine"). Il y a aussi un petit banc de sable surnommé BBQ Island (on se demande pourquoi :-) dont l'accès est taxé 3 $ par personne, ce qui prouve que la civilisation de l'argent a étiré ses tentacules jusqu’à cet archipel hors du temps; on en pleurerait... Nous l'avons gardé pour la fin car depuis notre arrivée les conditions n'étaient pas suffisamment bonnes pour que ce mouillage, le plus au vent des San Blas, à peine protégé par une caye affleurante, soit praticable. Et de fait quand nous y arrivons c'est encore trop tôt après le dernier coup de vent du nord (el Norte) et au lieu du vaste plan d'eau calme espéré, c'est une étendue agitée qui s’offre à nous. Du coup la surpopulation annoncée se réduit à trois bateaux qui semblent bien secoués : mauvais signe pour qui veut passer des nuits calmes ! Nous choisissons donc une solution de repli entre deux cayes derrière Bug island (Benedup); vu son nom, nous nous attendons à une nuée de moustiques, mais nous sommes épargnés, sans doute à cause du vent encore assez fort pour les éloigner… Nos amis norvégiens étant à court de liquide et nous un peu juste en gasoil, nous faisons un échanges de bons procédés et leur en rachetons 50 litres.

Avec tous ces sous, nous nous rendons de concert au restaurant sur l'ilot Tiadup où nous déjeunons d'une grosse langouste et de 3 poissons non identifiés; quand on dit restaurant, il faut se mettre au diapason de ce que peuvent offrir des indiens Kuna vivant sur une ile isolée: nous avons heureusement apportés nos couverts et nos verres, mais comme nous n'avons pas pensé aux assiettes, il nous trouvent quelques vestiges de boites en plastique d'une propreté douteuse pour en tenir lieu. Quand à la table, la seule dont ils disposent, elle est recouverte d'une couverture de bébé aux motifs criards en guise de nappe; et comme partout ailleurs, nous sommes cernés par les déchets au milieu desquels jouent les enfants. La case cuisine, de même que celle où ils dorment, n'a pas ici de murs en gaulettes mais en simples palmes disposées à la "va comme je te pousse". Il n'empêche qu'il nous est servi un excellent riz-coco, capable de rivaliser avec le meilleur qui nous ait été servi en Colombie. Le tour de l'ilot nous fait passer devant un point d'eau (saumâtre) dont ils se servent pour faire la lessive, malheureusement là encore entouré de détritus divers, à un endroit qu'on pourrait penser nettoyé; il reste toute une éducation sanitaire et écologique à faire pour que la prochaine génération vive dans un milieu un peu plus accueillant.

La caye qui jouxte "Madoukera", que nous explorons, nous offre notre premier snorkeling avec poissons depuis Curacao; on avait fini par croire que le poisson "avait pris fin", pour reprendre l'expression usuelle antillaise. Les amis d'"Impuls" sont des fanas de dominos et nous entamons tous les soirs sur l'un ou l'autre bord un cycle de parties endiablées, dames contre messieurs, tout juste entrecoupées par une ou deux parties d'ascenseur (le whist?) que nous leur apprenons et dont ils deviennent accros. Comme Colbjorn souhaite étrenner le magnifique matériel de chasse sous-marine qu'il s'est offert en Martinique, ils se rendent à Miriadiadup, chenal au milieu des Cayos Holandes qui nous a été signalé par François (de Colombie), comme propice à la chasse sous-marine; mais c'est sans compter sur le temps, toujours pas amélioré: heureusement qu'il reste les dominos... L’escale n’est toutefois pas perdue pour tout le monde, car nos amis font tourner une nouvelle fois leur désalinisateur pour nous redonner 60 litres d'eau potable : voilà un équipement auquel il nous faudra peut-être songer ! Un peu déçus par ce mouillage rouleur, nous reprenons la mer pour Waisaladup, à l'extrémité ouest des Cayos Holandes, où nous espérons que nos amis passent une agréable dernière nuit dans les San Blas avant qu'ils nous quittent pour Porto Bello où ils pourront faire leur entrée officielle au Panama avant de passer le canal qu'il souhaitent avoir passé avant la fin février car ils doivent réceptionner leur petit neveu (8 ans) à Panama City, sur la côte Pacifique, qui doit rester avec eux jusqu’à Tahiti . C'est un peu short comme délai, mais avec de la chance ça devrait pouvoir passer.

Après deux semaines passées avec "Impuls", nous sommes de nouveaux seuls et décidons de retourner à l'est des Cayos Holandes pour voir si la piscine tient enfin ses promesses. Nous nous arrêtons en face de Kaligurdup où la vue des eaux turquoises nous avait attiré quand nous sommes passés devant, mais une fois de plus la météo n'est pas au rendez-vous et après 3 jours à attendre l'accalmie salvatrice, abrutis par le bruit des vagues sur les cayes et le sifflement du vent, nous retournons nous réfugier derrière Bug Island. Quand la mer semble se calmer nous repartons en sens inverse pour le mouillage de Waisaladup à l'ouest. Bien nous en prend, car la houle s'est calmée et le snorkeling dans la caye débordant l'ile en son centre est tout à fait divin, tant par la diversité des coraux que par la faune sous-marine. Nous sommes émerveillés par les volutes d'une raie léopard (eagle ray) qui semble jouer avec nous, nous tournant autour, s'échappant puis revenant, l'air de dire "je vous ai bien eu". Quelques thazars viennent agrémenter la plongée en plus des traditionnels perroquets, girelles à tête jaune ou bleu, et autres gorettes. Quant aux coraux, on n'en a jamais vu autant de types différents en si peu d'espace; nous sommes ravis d'avoir fait ce choix avant de quitter les San Blas. Notre dernière escale avant de rejoindre le continent est aux Limon Cays, entre Naguarchirdup et Tiadup, en face de quelques bungalows construits sur pilotis à la mode tahitienne et surplombant une magnifique plage de sable blanc...