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Madoukera au fil des vagues...
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20 novembre 2016

Cabo de la Vela

Les prévisions météo étant conformes aux conseils que nous avons pu glaner dans les différents guides (notamment celui -gratuit, mais bien fait- de Virgintino) ou blogs (citons en particulier celui d’ « Etoile de Lune » - très complet bien que commençant à dater un peu), nous partons à l’assaut de la péninsule de Guajica que les américains appellent le « cap Horn des Caraibes » et les français, un peu plus modestes, l’équivalent du « Cap Creux » (cap entre la France et l’Espagne, côté Méditerranée que nous avons déjà pratiqué sur notre First 25 « Pocochin » en 1983). Nous avons choisi d’attendre 2 jours de plus que deux autres bateaux français, la perspective de faire route sans vent du tout nous paraissant inadaptée à la taille de notre réservoir (près de 300 miles avant de pouvoir faire le plein, avec seulement 150 litres + 4x20 litres en bidons) ; la perspective de voyager seuls ne nous effraye pas, même si on conseille de ne pas être seuls au mouillage et les 10 nœuds de vent annoncés autour de Cabo de la Vela, si on rajoute les 10 nœuds que tous les spécialistes s’accordent à conseiller, restent praticables. Quelques 145 miles nous attendent avant de pouvoir nous abriter derrière le Cabo, que nous pensons pouvoir parcourir en un peu plus d’une journée à une vitesse au mieux de 5 nœuds compte tenu du peu de souffle dont Eole va nous gratifier…

IMG_8640Les contours d’Aruba, que nous avons quittée à 8h, s’estompent déjà sur l’horizon quand nous sommes sortis de notre léthargie par le doux bruit du moulinet de pèche qui s’emballe. La remontée de la ligne semble un peu trop facile et rien n’apparait en surface ; nous nous attendons déjà à avoir perdu notre prise, ou pire à ne remonter qu’un sachet en plastique, quand finit par apparaitre à l’aplomb du tableau arrière un magnifique petit thon à nageoires jaunes, juste à temps et juste suffisant pour que nous puissions en faire notre repas du midi, en poisson à la Tahitienne comme il se doit pour une première prise de la saison. Pendant le déjeuner, une nouvelle prise réussit à nous échapper à l’issue d’un bon spectaculaire hors de l’eau… Repus, mais un peu dépités qu’il n’y en ait eu que pour un repas, nous avons entamé une sieste digestive sur le pont lorsqu’une nouvelle fois la petite musique du moulinet (à dire vrai, plutôt un bruit de crécelle) retentit, sans interruption cette fois car le fil se déroule à grande vitesse juste qu’à ce que j’arrive à ajuster le frein… Hum, ça doit être un peu plus gros cette fois ! Nous incantations ont dues être entendues, puisqu’après un bon quart d’heure de bataille avec un spécimen qui n’arrêtait pas de plonger (ce qui durcit la ligne) ou de nager (ce qui la ramollit, obligeant à remonter très vite le mou sous peine de lui fournir les moyens de se détacher), c’est un thon ventru (ou thon obèse, bigeye thuna in English). Une fois remontée, la bête, bien dodue comme son nom le laisse supposer, fait plus de 5 kg dont il reste plus de 3 kg une fois réduit en filets, qui nous feront plus de 7 repas à deux d’une succulente chair bien rouge. On vous laisse baver en imaginant toutes les recettes qui ont permis de l’accommoder ! Devant une telle abondance, le matériel de pêche est remisé pour la semaine…

2016

En fin d’après-midi, nous passons non loin des ilots Los Monjes, des rochers inhospitaliers, derniers bastions du Venezuela qui y entretient un avant-poste militaire succinct avant les côtes colombiennes. A la nuit, nous approchons doucement (4,5 nœuds) de la péninsule de sinistre réputation de la Guaija et à minuit nous commençons à discerner les lueurs de Puerto Bolivar, un important port commercial au traffic lié à la production de charbon de la région ; le port est au fond d’un baie mal balisée et non protégée où les plaisanciers qui constituent plutôt une gêne ne sont pas bien venus, aucune installation n’étant prévue pour les recevoir ; nous passons sans nous poser de question. Pour le moment cette traversée a été une partie de plaisir, quand subitement, vers 3 h du matin le vent tombe en changeant de direction ; j’ai tout juste le temps de rouler le génois et de mettre le moteur en route quand le vent forcit soudain, le vent, jusqu’ici un doux vent de terre (donc du sud) en passant au nord, levant une mer énorme qu’heureusement nous ne subissons que de ¾ arrière. La vitesse augmente en conséquence et nous propulse dans des surfs à 8 ou 9 nœuds sous grand-voile seule, le tout, pour agrémenter la chose, sous une pluie diluvienne qui traverse en quelque minutes nos toiles de protection et nous trempe comme des soupes. Deux heures de ce régime, ça peut paraitre court quand c’est le temps d’un bon film, mais dans ces conditions, quand on est réduit à l’état de bouchon à peine manœuvrable au milieu des cargos, ça parait une éternité… Quand enfin ça prend fin, que le vent redescend de 35 nœuds à 15, on est tellement mouillé que même mon caleçon, pourtant sous un short lui-même sous mon ciré dégouline plus que du linge en machine avant la vidange ; il ne nous reste plus qu’à nous changer et nous faire une bonne boisson chaude en regardant le jour se lever en nous félicitant : cette étape que nous redoutions tant (surtout moi, mais je n’en avais rien dit) est en passe de se terminer et c’est une belle victoire pour moi, car à aucun moment je n’ai eu l’angoisse de ne pas arriver à surmonter cette épreuve ; après la grimpette dans le mat, c’est un deuxième signal très positif !

2016

La dernière avancée du Cabo de la Vela est contournée après 25h de navigation, faisant apparaitre une immense plage circulaire offrant une bonne protection du nord au sud-est. Au moment où nous arrivons, les deux bateaux qui y étaient mouillés sont en train de lever l’ancre et un troisième voilier que nous apercevons en approchant ressemble plus à un bateau abandonné, assez loin de terre, qu’à une présence amicale. Nous serons donc le seul bateau de passage au milieu de cette immense baie du bout du monde dont les habitants n’ont pas encore été atteint par le modernisme, l’absence totale de signal sur les téléphones mobiles nous indiquant qu’ici aucun opérateur ne sévit. Nous mouillons assez loin de la plage car les fonds sont très vites remontés à moins de 3m, en face des quelques maisons qui semblent former un village de pêcheurs, impression renforcée par les quelques barques qui passent tout près, sans toutefois s’intéresser à nous. Le vent, qui souffle maintenant doucettement de l’ouest (ignorant sans doute que la probabilité de cette direction est proche de 0%) nous oblige à faire face à l’ouvert de la baie où une petite houle commence à nous balancer gentiment. En baissant la grand-voile, je trouve que la bôme fait un angle inhabituel et en allant vérifier près du mat, c’est d’abord un écrou que je trouve sur le pont, puis une rondelle, avant de m’apercevoir que le boulon qui relie la bôme au vit de mulet était déjà à moitié sorti de son logement et que seul l’angle qu’il s’est mis à faire lui a permis de ne pas tomber : un petit cadeau du coup de vent de la nuit qu’une demi-heure d’efforts et la mise en place d’une attelle permettent de remettre le tout en état de fonctionner de nouveau. Cette réparation terminée, nous nous octroyons un repos réparateur de quelques heures.

2016

Au réveil de la sieste, le vent a un peu monté et la houle, qui ne rencontre aucun obstacle susceptible de la briser, commence à faire rouler le bateau, rendant ce mouillage inconfortable. Par ailleurs, cette houle arrivant directement sur la plage y soulève des rouleaux qui ne nous paraissent pas propices à un débarquement en annexe, aucun ponton n’étant prévu à cette effet. Nous reportons donc au lendemain la visite du village et la petite excursion sur la lande que les récits de nos prédécesseurs nous préconisent de faire. Le balancement commençant à être gênant, nous décidons de mouiller plus au nord, en essayant de nous mettre à l’abri de la houle plus près du cap. Au début, ça semble mieux, comme vient le constater un jeune garçon venu en kayak, apparemment dans le seul but d’admirer le bateau ; pendant près d’une heure, on le retrouve un coup à babord, un coup à tribord, sans qu’il tente de nous aborder, ni même de nous adresser la parole, nos contacts se limitant à de petits signes amicaux.  Las, mille fois hélas, le vent continue de forcir en pointant de plus en plus à l’ouest sud-ouest, et nous nous mettons à danser une danse de Saint Gui (un gars dont les mouvements devaient être passablement saccadés) dont le rythme va en s’accélérant, nous faisant rouler bord sur bord à un rythme endiablé. Nous envisageons un moment de retourner à notre mouillage précédent, mais la nuit qui tombe comme l’incertitude que ce soit mieux ne nous y encourage pas. Nous passons une nuit d’enfer, malgré la toile antiroulis que nous avons mis en place. Au point qu’en cours de nuit, n’arrivant pas à fermer l’œil, j’attrape mon oreiller et vais tenter de dormir dans le carré, à moitié assis, coincé entre le dossier de la banquette et la table, sans pour autant me sentir confortable. On arrive quand même à dormir un peu, mais dans de telles conditions d’inconfort qu’au matin nous décidons de ne pas prendre le risque d’une nouvelle nuit aussi agitée et de faire une croix sur cette escale et d’enchainer directement avec l’étape suivant vers les cinq baies. Adieu la gentillesse des villageois indiens qu’on ne connaitra jamais, adieu le repas de langoustes qu’on se promettait de faire, adieu l’artisanat local, adieu l’excursion…

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Commentaires
N
Belle prises ! Cool de vous revoir naviguer et profiter des joies de la croisière...pas trop de,siestes quand même !!! Bisous, nico
D
Je suis heureux de voir que tu as retrouvé du poil de la bête et que tu voyages à nouveau sur la belle bleu. Gros bisous à vous deux.<br /> <br /> Dimitri
R
Que d'aventures! Mais quelle prouesse de navigation.<br /> <br /> Bonne idée de partir de ce coin.<br /> <br /> Bisous et a la prochaine. R.
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