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Madoukera au fil des vagues...
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22 mars 2014

Sur la route de Matanzas

2013Sur proposition de Harry qui a dégoté ça dans son guide, nous partons faire une petite excursion à Matanzas par le train avec Françoise, Jean, Helen et Harry. D'après le guide de Harry, ça promettait d'être "roots", mais la réalité va bien au delà... Ca commence par la petite navette que l'on doit prendre pour traverser la baie et dont l'embarcadère se trouve sur un quai délabré accessible par les restes peu glorieux d'un hangar désaffecté. On nous y fait le coup d'un contrôle et d'une fouille de nos sacs calquée sur celle pratiquée dans les aéroports, alors qu'il s'agit juste de traverser la baie de La Havane qui peut par ailleurs être contournée en voiture sans tout ce cérémonial... mais ne vaut-il pas mieux créer des emplois dont l'utilité est douteuse que d'empiler des chômeurs ? La navette elle-même est tout un poème: c'est une sorte de petite barge métallique toute rouillée sans aucun aménagement, un peu comme une rame de métro sans sièges et sans déco, dont ne subsisterait que quelques barres verticales destinées à se tenir pendant la traversée. Et cerise sur le gâteau, un panneau rédigé à la main cite tous les cas de pannes possibles dont... le manque de carburant ! Mais à quoi peut-on s'attendre quand on ne paye que 2 pesos cubains, soit moins de 10 centimes d'euro... De l'autre côté de la baie, nous débarquons à "Casa Blanca", le terminus de notre train qui n'est en fait constitué que d'un seul wagon qui prend son électricité sur une caténaire par un pantographe branlant. "Casa Blanca", le nom est joli et évocateur, mais il ne s'agit ici que d'un espace apparenté à un terrain vague où deux bâtiments rouillés abritent le débarcadère et la gare. Une gare avec un quai unique qui n'est que de la largeur d'une porte du train et qui n'est ni à la hauteur du plancher du wagon, ni suffisamment proche pour en faciliter l'accès, et auquel on accède par quelques marches irrégulières. Ensemble très sommaire, mais là encore que peut-on demander de plus d'un Ferrocarril de Cuba qui relie La Havane à Matanzas, soit 89 kms, en 3h30, donc à la vitesse d'un bon cycliste,  pour la modique somme de 280 pesos cubains, soit un peu moins de 10€...

2013Pendant que nous attendons le départ, j'en profite pour aller poster quelques cartes postales dans le petit village qui domine le quai; j'ai un peu du mal à trouver la poste, qui n'est autre qu'une pièce dans une petite maison aussi défraichie que les autres, sans aucune inscription ou panneau permettant de la distinguer;  à l'intérieur une sorte d'urne électorale posée sur un petit comptoir fait office de boite aux lettres: le doute n'est plus permis ! "Casa Blanca"  est au pied d'une colline dominée par la forteresse "San Carlos de la Cabana", à droite de laquelle se trouve la maison-musée de Che Guevara, jouxtée par une statue monumentale du Christ qui s'élève juste au-dessus du village. Comme nous l'a fait remarqué notre guide lors de notre tour de vieille ville de La Havane, contrairement à celui de Rio, celui-ci n'a pas les bras écartés mais ramenés devant lui, la main droite avec deux doigts tendus et la gauche légèrement recourbée: c'est que la droite peut tenir un cigare et la gauche un verre de mojito ! Un rapide repérage sur les voies qui sont presque totalement enterrées d'un côté nous fait penser que le wagon va partir dans l'autre sens, ce qui détermine notre choix de sièges dans que nous croyons être le sens de la marche; mais quand le train s'ébranle, c'est du côté que nous pensions improbable qu'il s'en va... heureusement qu'il ne va pas trop vite...
Nous traversons tout d'abord une ancienne zone industrielle dont les usines sont presque toutes à l'abandon, puis nous longeons une raffinerie avant de nous enfoncer dans une campagne profonde qui ne respire pas la richesse. Les arrêts sont extrêmement rapprochés, dans des "gares" au noms de saints (san ...) qui ressemblent plus à des arrêts de d'autobus devant des embryons de quai encore plus étroits et délabrés que celui de "Casa Blanca", souvent un simple petit escalier métallique. Et le plus étrange, c'est qu'à tous les arrêts, pourtant majoritairement situés en rase campagne, sans qu'on voit poindre la moindre trace d'habitation à l'horizon, il y a des passagers qui montent et qui descendent, sans qu'on sache d'où ils peuvent bien venir ou aller. De temps à autre le wagon s'arrête en dehors d'une gare sans qu'on comprenne pourquoi, mais en voyant revenir un passager avec des pastels, des petits triangles de pâte frites et fourrées à la banane au coco ou à la goyave, on comprend qu'il avait urgence... Très vite le train devient bondé et on finit par être content d'être assis, bien que ce soit sur un siège très spartiate aux accoudoirs en fer et qui commencent à nous faire mal aux fesses. En théorie, il est interdit de transporter des animaux dans ce train, mais on se rend vite compte au bruit qui en sortent que certains grands sacs de jute contiennent qui des poules, qui une chèvre... Dans ce train, nous avons le temps de détailler les voyageurs qui se succèdent dans notre wagon et nous constatons que, ici comme ailleurs, les cubains sont toujours correctement habillés (on a vu personne en haillons, ni même portant des vêtements usés, sales ou déchirés) et toujours correctement chaussés (les plus pauvres ne sont pas en tong, mais en croks...); on n'a pas réussi à déterminer s'ils les reçoivent du gouvernement  ou s'ils doivent les acheter eux-mêmes. Il est vrai qu'ils gagnent très peu, autour de 20 Cuc, mais ils sont logés, nourris (même si les tickets de rationnement sont de plus en plus chiches, ils donnent accès à des vivres gratuites), soignés (le niveau des soins médicaux est réputé très bon, d'après tous les témoignages recueillis) et ont droit à un enseignement de qualité (beaucoup sont diplômés).

2013Quelques pannes viennent égayer le voyage. A l'aller, c'est le pantographe qui ne veut plus tenir, mais ça ne démonte pas le mécanicien qui monte sur le toit du wagon pour une réparation sommaire: après une demi-heure de coups de marteaux qui rebondissent, ça finit par tenir miraculeusement. Au retour c'est un peu plus grave, c'est une chute de la caténaire sur la voie qui interrompt notre avance, mais là encore, pas de panique, le contrôleur retire sa belle chemise blanche d'uniforme pour se retrouver en teeshirt de mécanicien et s'attaque au problème après un long palabre avec le chauffeur et quelques passagers, chacun défendant sa solution: en fait ce sont les câbles métalliques qui soutiennent  le fil conducteur qui se sont rompus, sans que ce dernier ne se casse; il s'agit simplement de dégager les câbles de soutien tombés sur la voie, puis de soutenir d'une main gantée (si, si...) le fil conducteur et d'avancer très doucement jusqu'au prochain poteau pour que tout rentre dans l'ordre, mais en laissant les choses telles quelles, le même problème allant se poser au train suivant... Au retard que font prendre ces pannes s'ajoute celui de l'attente du train qui circule dans l'autres sens sur cette voie unique, portant à près de 5 heures la durée réelle d'un trajet; le croisement se fait à peu près à mi-parcours dans une gare qui ressemble presque à une gare de banlieue, près de ce qui semble être une ancienne cimenterie désaffectée (C'est étonnant le nombre d'usine désaffectées que nous aurons croisées). Pendant cet arrêt on en profite pour inspecter un peu notre wagon et sommes surpris de l'évident manque d'entretien des essieux qui ne doivent pas être graissés tout les jours, mais il est fort possible que ce soit simplement par manque de matières premières, ce qui expliquerait aussi la rouille qui envahit tout ce qui est métallique, alors que les cubains nous apparaissent plutôt comme des gens de bonne volonté, ne rechignant pas à la tâche: conséquence de l'embargo US ?.
Nous finissons par atteindre notre terminus, la gare de Matanzas, et rejoignons à pied le centre ville. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes emballés par la beauté des quartiers que nous traversons: rues étroites, sans charme, aux trottoirs presqu'inexistants mais avec une circulation intense de cars, de camions et guimbardes mal entretenues. Le long de l'une d'elles, nous sonnons à un porche portant le symbole des "Casar particular", chambres à louer, et sommes surpris du changement de décor: une fois le porche franchi, le calme revient  et nous nous retrouvons dans un patio autour duquel se trouve les chambres, toujours agrémentées d'une salle d'eau privative, ce qui semble être nécessaire pour obtenir l'agrément officiel. Comme nous sommes 3 couples, nous nous répartissons dans 2 pensions différentes, la notre étant la pension "Azul", et de fait, tout y peint en bleu. Après une douche bienvenue après ces heures dans la poussière du train, nous nous retrouvons pour explorer la ville qui comporte une jolie petite place le long de laquelle se trouve un bel hôtel colonial au bar duquel nous sacrifions au traditionnel mojito dans un hall monumental, avant de diner d'un repas de langouste, les langoustes étant ici un met très basique coutant peu cher. Matanzas est le berceau du danzon, la danse nationale dont on aperçoit une école dans le bâtiment qui abritait autrefois le casino. C'est une ville traversée par 4 rios qui porte le surnom de ville des ponts, car elle en a 29 dont 4 ont plus d'un siècle; nous n'en verrons qu'un, car les quartiers qu'on a traversé en venant de la gare ne nous ont pas incité à pousser plus à fond notre visite...

2013

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Commentaires
R
Un beau récit. Merci.
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